Jour 14 - Entrez dans l'Octosystème
Je vous l’avais promis, nous y voilà, c’est l’orée. Les Rêveries 8, 9 et surtout 10 étaient là pour vous préparer, vous faire doucement entrer en matière dans cet univers que je déploie lettre par lettre.
Ici, il n’est plus question de neige. Il n’est plus question de personnages en quête de magie, en quête de survie, sur la voie de leur destinée. La première histoire de neige nous présentait l’horrible coût de la magie, la seconde amenait sa chaleur et introduisait les phénix, si importants dans cette histoire, et la troisième nous faisait connaître Aïtée, personnage principale de la Sage Saga, Magiciennes des Rêves, et la raison pour laquelle la collection d’Ed, le Bibliovore, consacrée à la fantasy s’intitule La mana de nos rêves.
Aïtée, c’est un peu ma sœur, aussi. Pas qu’un peu d’ailleurs, pour être tout à fait honnête, puisqu’elle porte vraiment ce nom-là, entre autres. C’est ce personnage qui incarne la quintessence de l’idée de ma fresque romanesque, c’est avec elle qu’est née toute la diégèse, pendant mon adolescence. Ça commence à faire un moment.
Accrochez vos ceintures, retenez votre souffle, nous allons plonger. Pour l’ambiance, je vous propose cette fois-ci le groupe Yatao, avec son titre Cosmic Breath, sur lequel ce texte a été réécrit et peaufiné.
Quelques clés de worldbuilding / lore :
- Il y a d’autres éléments de lore dans les intros des Rêveries 8, 9 et 10 ! J’ajoute ici uniquement ce qui est nouvellement évoqué par ce texte-ci.
- Je n’évoque dans cette partie du texte encore rien de la diégèse de l’Octosystème.
- Je fais plutôt une apologie de la pratique de l’écriture, de la littérature, de l’invention.
- Vous verrez la suite un peu plus tard… Ne soyez pas si hâtif·ve·s, jeunes hobbits.
La Sage Saga de l'Octosystème
Tome 1 : Nostraterra
Feuillet 1 : Si loin, si proche, une fresque de tout - Prologue, partie 1
Un début est un moment extrême.
Voilà comment tout était censé commencer.
Mais je ne suis plus sûre de rien et voilà donc que je doute. Doutes, fuites, réconforts. Démesures, folies, envies, grandeurs et ambitions, mais surtout des doutes. Des fuites et encore du réconfort.
Je tâtonne et l’espace me provoque, la vie me le demande : te tairas-tu ? Te laisseras-tu museler ? Nieras-tu cette histoire au plus profond de ton être ? Tâtonnements. Négations. Non ! Mais tout ça n’existe en rien, c’est futile, frivole, c’est inutile. Incrédulité.
J’ai perdu la foi, j’ai perdu la voix.
Te tairas-tu ? Laisseras-tu toutes ces pensées dormir, s’enfuir, se taire à jamais ? Te nieras-tu ?
– Pourtant, quelque chose s’agite, fume, s’allume… et brûle. –
La flamme monte, monte, et éclaire tout. Merci Æstis.
Levons-nous. Racontons cette histoire.
Pendant tant de temps tout a vainement cherché à s’extérioriser. Viles hésitations.
Maintenant, les petits signes noirs dansent pour former des images, encore trop indécises. Les doigts, acharnés, égrènent ces caractères noirs, leur donnent une impulsion précipitée, les font jaillir au loin, comme un cri qui s’enfuit, et ils s’empilent et ils dansent, dansent. Ils dansent devant les yeux et cette danse est rapide ; les mots s’empilent. S’entassent, dans une sorte de cadre. Vous imaginez ce cadre ? Secouons le cadre. Nous sommes au début de tout. Avant même le début.
Il y a une étrangeté comme un tutoiement de la mort à fréquenter trop souvent le papier. Le papier, c’est l’âme du monde, son squelette, et, en même temps, il peut partir en fumée, s’envoler pour ne plus jamais revenir, contenir des histoires ou s’avérer désespérant de vacuité. Quel est le propre de l’humanité ? L’outil ? Le langage ? Le feu ? La violence et la cruauté réfléchies ? L’amour ? À moins que ce ne soit l’esprit. La viande, ce doit forcément être la viande. La technique ? Ou alors c’est la guerre. La curiosité ? La haine. L’empathie ? L’art de se poser des questions inutiles. Le papier. Quoique même pas, il y a les guêpes et les termites.
Le papier parle, se travestit et se fait membrane, frontière certes poreuse. Il titube entre la transparence et l’opacité, comme toutes les personnes qui fréquentent cette Terre. Il oscille, et demande à choisir entre plusieurs couches, présente cette unicité stratifiée, et hésite entre fragilité et force. Il paraît frêle ; mais comme le roseau, ce n’est là qu’apparence, car il peut contenir toute la puissance de l’univers.
Ah, c’est peut-être ça le propre de l’humanité ; ou le sale, c’est selon. Le fait de considérer le papier comme un réceptacle, de construire des temples dans lequel l’entasser et lui faire prendre la poussière et les années, de le photographier et l’abîmer sous la plume. En un mot : nous sommes, nous aussi, comme les dragons de la fantasy, des êtres de papier, et nos vies sont fumées, encres et jeux d’ombres, toutes prêtes au palimpseste final.
Et demain ?
Peut-être la suite de ce texte, ou alors sauterons-nous un jour avant de retrouver cette tentative d’extériorisation. Une chose est sûre : le soleil se lèvera sur la Vallée, et avec lui apparaîtra encore une nouvelle case. Alors, revenez demain, ouvrir la prochaine surprise ! Ce qui est certain, c’est qu’il y en aura encore une et que la fête n’est pas finie pour la Vallée des Mots.