Jour 21 - White Wednesday - L'hiver est venu
C’est l’hiver.
Officiellement.
Alors, posons-nous là, un moment, un bref instant, que nous pouvons accorder à chacun·e d’entre nous.
Vous le savez, si vous avez suivi les autres extraits de texte proposés par l’Ancalendrier, j’ai un attrait très particulier pour l’hiver, et surtout pour la neige. Pour moi, la neige nivelle, que ce soit les choses ou les gens. Faisons l’effort d’être toustes des enfants immatures encore une fois, une simple fois, juste un souffle, juste pour un battement cardiaque, qui découvrent leurs premiers flocons. Vous vous souvenez ? La rapidité avec laquelle l’étoile la plus sublime de froid se mue en une simple goutte informe sur votre peau ? Vous rappelez-vous de l’euphorie qui vous avait saisi·e lorsque vos yeux s’étaient posés pour la première fois sur un paysage transformé par la chute de neige dans la nuit ? Votre mère, votre père, vous avait réveillé·e avec plus de douceur qu’à l’accoutumée, peut-être par crainte de faire s’envoler ce somptueux tapis blanc. Et vous vous étiez faufilé·e avec timidité et respect jusqu’à une fenêtre, un balcon, une baie vitrée, ou directement dans la rue.
L’émerveillement.
Êtes-vous toujours dans l’émerveillement ?
Figurez-vous la frustration que vous ressentez en tant qu’adulte. Avez-vous le temps de contempler la neige qui tombe ? Ne faudrait-il pas le prendre ? Relâcher, compenser les Black Friday par des White Wednesday ? Je le crois.
Je vais vous raconter une brève histoire. Mais d’abord, musique. Et, pour moi, celle qui marque le mieux l’émerveillement face au froid et à la neige, c’est le thème d’Auffrac-lès-Congères (Snowbelle City en anglais), de l’OST de Pokémon XY. Ici, ce n’est pas une version que je vous propose, mais bien trois. La première, à gauche, by Moisés Nieto, avec un arrangement de son cru, au piano, intimiste et humble, timorée, réticente. C’est un ravissement, un morceau que j’adore jouer moi-même (d’ailleurs, il va falloir s’y remettre, c’est la saison !). La seconde, à droite, by GlitchxCity et son arrangement instrumental, plus épique, plus ouverte, mais tout autant contemplative. Enfin, la troisième, au centre, by insaneintherainmusic, est plus inspirée par le jazz (si si !). Les trois versions sont classées de la plus intime et calme à la plus ouverte et agitée. Utilisez celle que vous voulez, ou les trois, mais pas ensemble
Nous sommes en 2013, en décembre, le 16, il y a presque neuf ans jour pour jour. À cette époque, je ne suis encore qu’un lézard ayant à peine craqué sa coquille, et j’étudie les Sciences du Langage à l’Université Lumière (Lyon 2). Ça me passionne, je peux même aller jusqu’à dire que ces disciplines ont changé ma vie. Mais ce lundi, la fatigue est là, et avec elle la frustration.
J’ai mis une heure quarante-cinq à venir sur le campus, parce que les routes de l’ouest lyonnais étaient envahies de neige, et que le réseau de bus avait paniqué. Le bus, le métro, puis le tram, entre Grange Blanche et Parilly, longeant le grand parc transfiguré de blancheur. Les châtaigniers, les sapins et les chênes ploient sous le poids de l’eau finement gelée.
Et vous savez tout ce que j’ai récolté en arrivant tant bien que mal en TD ? Un “Eh bien, vous en avez mis, un temps !”.
Alors me voilà sur ma chaise, écoutant, vaguement pour une fois, la prof débiter son boniment, à propos de cadres et d’images, de fonction de relai et de fonction d’ancrage (c’est du Barthes)…
Et je prends ma feuille. Et au lieu de noter le cours, dont sur le moment, je n’ai plus rien à faire et qui me pèse, je commence à écrire. La frustration me porte, une sorte de vague-à-l’âme aussi, parce que tout ce que je voudrais, là, maintenant, c’est être à l’extérieur, et être enfant de nouveau.
Faire un bonhomme de neige devant les hideux bâtiments de Lyon 2 – Bron.
Haikus d'un matin de cours
Sémiotique de l'image puis Linguistique générale
Université Lyon 2 - 16 décembre 2013
Matin envolé
Synopsis d’un exercice
Froid et soleil brillent
L’hiver se déroule
C’est un sablier brumeux
J’entends le temps fuir
Aujourd’hui la neige
Ne veut pas sortir du lit
Puisqu’il fait trop froid
Elle dans la nuit
Se perd sur de blancs rivages
Fanal en ses rêves
Je ne peux sourire
Si marchant avec les loups
Je les vois médire
Et demain ?
L’hiver est venu, et il va s’installer sur la Vallée, l’empesantissant peu à peu dans un épais duvet glacé. Mais les dragons et dracènes n’hibernent pas : iels ont le sang beaucoup trop chaud pour cela. Alors, pour sûr, nous aurons encore quelque chose à lire ! Revenez demain, ouvrir la prochaine surprise ! Parce que demain, c’est un grand jour. Une soirée somptueuse se prépare à la BNM. Et… la fête n’est pas finie pour la Vallée des Mots.